D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Que faisons-nous ?
La finalité de cette séance est de nous présenter à vous et virtuellement aux amateurs de Po&sie, d’une part en tant que le nous collectif inventeurs de la revue numéro par numéro et, d’autre part, chacun d’entre nous pour dire sa coopération imminente aux numéros en cours et son travail personnel.
La première chose à annoncer ou plutôt à rappeler concerne le site. Ce n’est pas une amélioration de l’ancien site, mais une re-création, la mise à disposition du trésor d’archive de quarante ans de revue et la mise en ligne, sous les rubriques ad hoc, de tout ce que nous proposons d’ajouter à la revue Po&sie « en papier » – dont je rappelle le dessein originel
littéraire : de traduction (« plus d’une langue » (B. Cassin)) ; de découverte d’écrivains, poètes récents ou primipares de langue française ; de philologie au sens étymologique et étendu, amour de la philosophie, goût de ce qui se rangeant récemment encore sous la préoccupation théorique, recollection et republication de textes oubliés… compte tenu de la contenance réduite d’une revue, même en numéros doubles, et de l’espace d’accueil illimité du site.
Dont je rappelle l’accès : Po-et-sie.fr
Quant aux numéros, le prochain, 165/166 est accessible sur le site et chez Cairn – même s’il ne se trouve pas encore en librairie [1] (même s’il passe pour « octobre 2018 »).
Le suivant, 167, a un titre : « Les Oiseaux ».
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Si je commence l’exercice collectif de l’après-midi, impossible de le faire autrement qu’en étant tout-ouïe ouverte à l’aujourd’hui, c’est-à-dire à la quatrième semaine de l’an de disgrâce 2019 ! Par quel biais ? Celui d’un traitement combatif de deux « informations » parmi des milliers : deux « cas d’époque » exemplaires :
1. L’infaillible détecteur de mensonges
L’information vient de tomber ; avertissement mondial à tous les chacuns, à nous tous, un par un détecté.
La technologie a mis au point l’ultime perfectionnement du détecteur : fini le serment ; vous n’aurez plus à jurer de dire la vérité. L’âge du détective est clos ; close l’histoire de la différence de la véridicité, de la sincérité, de l’intériorité, de la différence entre le paraître et le secret. Le Gestell a simplifié Nietzsche : l’âme c’est la transparence de tout le corporel au Détecteur. L’union cartésienne est définitivement tracée retraçable. L’ère du suspect est close. Fin du témoignage, fin de l’aveu : fin du jugement… Rêve de Rousseau… ? Ou sa fin. A chacun son mensonge détecté.
Sortie du langage de la langue.
2. Mauvaise nouvelle pour les gilets : nous sommes bientôt dix milliards.
Quoi alors du fameux « détail » ? Vous vous rappelez Le Pen : l’extermination des Juifs d’Europe n’était qu’un détail de la Seconde Guerre mondiale. Tout est devenu un « détail », y compris le détail du détail lepénien. Panrévisionnisme. Votre histoire, ce massacre local, n’intéresse pas les 9 autres milliards. Plus de devoir de pensée remémorante. Vous les gilets qui vous focalisez sur la fin de moi(s) et non sur la fin du monde, vous n’aurez été qu’un infinitésimal détail dans une petite localité.
Comment résister – par la pensée ? Contre le chaos conflictuel des communautarismes qui mondialise ce fait qu’il n’y a que des minorités et en guerre inexpiable (non « civile »). Il n’y a qu’une vérité opposable : toute minorité est la moitié du genre humain (comme « les femmes » ont fini par le faire reconnaître grâce au fou d’Elsa), et chaque moitié (hors comput démographique) est toute l’humanité. C’est-à-dire comme le tout de l’humanité [2].
Nous sommes tous comme des Juifs allemands, comme des Ouïgours, des Coptes, des enfants malades… Si les massacres sont « fratricides », c’est le comme des frères adoptifs, adoptables, etc. (autrement dit pas des consanguins en adn génotypique), c’est l’adoption qui exige (Agamben) l’attention à une possibilité de l’universel.
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Un mot sur ce que j’écris, prépare et achève comme « auteur » cette année. Plus d’un livre peut-être…
1. L’un pour La librairie du XXIe siècle (Olender) intitulé « Elle a ma préférence », sous-titré « Une poétique pour aujourd’hui », imaginé d’abord en « dictionnaire amoureux », lexicalement donc, et maintenant ordonné en courts chapitres thématiques, axiomatiquement si vous voulez, où je développe nombre de pages données dans notre revue, ou sur le site, et dans d’autres périodiques.
2. L’autre, chez Hermann (quatrième ou cinquième dans cette édition amicale), intitulé Voltefaces (sous-titre à venir), un titre donné d’abord l’année dernière au volume hors-commerce fabriqué avec et par Henri ; et aujourd’hui (demain) dans le commerce, en compagnie d’écrivains que j’accompagne et questionne pour aujourd’hui : « Adieu Marivaux » ou
« Pourquoi Claudel encore malgré tout » ; et « Attente et Dévastation » après Heidegger…
Pourquoi Voltefaces ? Faire face et résilience en se retournant et risquant le renversement après la déconstruction : non pas « au soir de l’écriture » (Malabou) mais à l’aube de l’éco-poéthique pour laquelle je transporte et transpose Rimbaud, oui !
« Reterrestration »
(Très bref poème)
– Elle est retrouvée !
– Quoi ?
– La terre…
c’est la mer allée avec le soleil
(qu’on peut aussi prendre en programme d’écologie politique = éolienne et panneaux solaires)
3. Peut-être un volume bref appelé « L’amitié [avec] Claude Lanzmann » où je rassemble, après un récit à caractère biographique avec maintes péripéties, les six textes pour Claude Lanzmann des deux années récentes (dans Critique et Po&sie) et le dernier, qu’il ne lira pas et qu’il eût peut-être aimé, avec son titre emprunté à Léon Bloy « Le salut par les Juifs ».
4. Je n’exclus pas, pour conclure à l’instant cette énumération prospective, par notre jaunisme national, de contribuer à la doléance générale, en mairie, et peut-être sur notre site, avec des questions et des propositions… ?
Michel Deguy