Soleils frais blanchissent
ce regard que baigne la rivière
qu’ils mettent en montagne
absence qu’elle met dans la neige
pour recevoir la jeune fille
quiétude qu’investit l’hiver
couve le corps qui cerne l’être
désinvolture que parcourent les cernes
de l’arbre qu’ils n’aient ramené l’étendue
désolation tracée dans la terre
ne leur vienne choyée
qu’ils ne laissent tomber l’hiver
sur une branche ramassé
1967
Orphée entend les cordes de sa lyre
en dormant le tocsin sous la maille d’acier
s’évertue en brèche du cyclope
je ne dors pas en moi et parler
sont abîmés dans ces eaux
mises en carène fixent mon attention
geindre lyre sculptée
de verdure de rage gangrené
ronger le fantôme en commettre l’usure
1942
Balanche
contre tous venants
vous savez dire
la chance
qu’en retour
de mort
l’œil sonore l’œil ultime
nous voie venir
les mains vides
Balanche
Voyez
ils sont le flot
de ces eaux
dès lors
morts vendus
à d’autres vassaux
Mon fil que je ne lâche
Aussi je m’y trouve suspendu
Mais parfois ce fil
si lâche que je jonche à demi
comme un pendu
mes maux de vie
Balanche
1956
Il est tombé de vie de mort blanches
N’allez plus avant
Il est tombé l’enfant
à l’aube du fil de l’eau
Cinglez de chair vive
le Dieu et baguette douce
Public passez ! Jetez
la violette au fil de l’eau
Paradoxe exécuteur des Hautes œuvres
l’enfant est exécuté sur les bois du berceau
Jetez la violette Un temps
Les scellés du fil de l’eau
Le rideau d’eau
L’enfant dans un coin apprécie le café
Il a mangé le crieur de journaux
La main rugit plutôt de vie
qu’elle ne fâche et contredit
l’exercice matinal
1956
Une plage
aux couleurs inusitées
se traîne le soir
tel un chat
jusqu’au seuil
de la femme
de la mère
Elle erre
dans la zone
tel un chat d’habitude
qui rêve (de) pleurer son image
jamais retrouvée
Voyez en face
La mort habite là
Sur le seuil de la vie
1957
Une ligne obscure
traverse la nuit et se reconnaît Une âme
souriante compagne à tire-d’aile s’élève
vers le large prospecte vers le corps
Une âme au levain de sabbat
s’affaisse sur le corps
Une horloge prend son essor
court après une aiguille qu’elle ne rejoint
Une horloge maussade
Les âmes trépassées s’inspirent de la statuaire
Paysage à même mes campagnes
La mort nénuphars frustrés du viol Barabbas
Quel règne en ces lieux pour servir rente
la monnaie du silence
1958 /1963
Mer salvatrice de ce baiser boudé sur ces lèvres Mais jamais je ne pourrai prendre ces lèvres II m’appartiendrait de me tenir bien tranquille de faire le mort et de me nourrir d’une toile que l’araignée diffuserait sur ces lèvres qu’elle coifferait Mais c’est devenu méchant C’est la pieuvre qui referme les portes sur nous avenir derrière nous avenir Le jeu est immense automatisé ouvertures fermetures ô lieudit tous les maux sont venus l’un contre l’autre je deviens dans les limites du présent ce qui m’est donné au présent je cherche une vie dans le mouvement de cette nature Je suis tels mes frères et mes frères se meurent Frappe Le gong frappe l’homme qu’ajoute la littérature
1963
Rien n’y fait
Enfouissement du coeur
Sous les regards anoblis
le grand mythique haie
la large chaîne de fleurs
au ciel qu’il tire à vous
coeur enfoui ô cerveau
ô demeure enfouis
au pied d’une chandelle pâle
Il y a toujours un enfant qui guette
à l’ombre des faux loisirs
Je couche au loin dans les feux
d’un attelage surpris dans une grimace
qui poursuit son chemin et empierre
les complaisantes ensanglanteries du ciel
1963
Aucun geste n’échappe
aux cordes qui accompagnent la main
aucun mouvement des doigts
n’échappe à ces cordes
1963
Lumière de plein fouet la nuit
je sors du jour
j’ouvre une avenue parc et lac
je quête pour fidèles compagnes
d’une mort qu’elles assistent et dont les yeux
se répandent curieusement dans la ville
je porte la quête (jusqu’)au bout de la jetée
je suis le rat du cygne qui en prend le regard
qu’il plonge dans l’eau sobre
1963
Pas d’hébergement du regard
dont les propos battus
sous la main panoptique
firent le bavoir de l’hiver,
qui s’éternise devant le bois noir d’une porte
le regard a son bavoir
le bois noir d’une porte est dans le texte
mais le texte s’éternise
devant le bois noir d’une porte
1963
Poésie tu donnes lieu à la rescision
Tu l’accomplis cet acte
Que ne me reste-t-il quelque mie sur la page
Poésie tu es pulpe jusqu’à même les contours de ton corps
Présence tranchante d’avoisinage
du corps médiatif qu’elle assume d’ailleurs incorpore
Que ne me reste-t-il quelque mie sur la page
sinon que rapatriant qui ne vient dans mes poches
le crayon se déploie dans l’hypnose sèche
moi au bas de ses moyens du bas de ses moyens
regardant vers le stylite
Je ne suis que cette girouette
qui parfois déploie un bras qui l’attrape
à la nuque qui ne laisse rien
1964
dans une vigoureuse, expansive dépossession
de l’espace, abolissant le message,
je ne sais jamais d’où partir
Se servir de ces véhicules facultatifs
dont la vocation rend matérielle la liaison
dans une vigoureuse, expansive dépossession
de l’espace, abolissant le message
qui suit sa courbe d’abolition
vigoureusement expansive
1964
Où, insipide de tout commencement de toute fin se tient la lettre et la rappelant à l’ordre avant qu’elle ne s’engage la phrase La lettre est une tête aux articulations mobiles une tête articulée qui profère et veut aller de l’avant une tête qui se cherche et se trouve allant, se trouve en course qu’elle revêt de termes, de signaux toujours changeants Ciel étonné qu’aussitôt la lettre hospitalise sur une portée de l’extase
1964
La colonne répand le silence premier tableau
où des hommes agenouillés
quoiqu’ils marchent
figurent une existence
sur une marche confondue
tentative que transfigure deuxième tableau
l’échec toujours ajourné
1964
l’exil ne figure dans le texte l’exil
est dans le texte mais n’y figure
l’exil n’est figuré dans le texte
le texte ne figure l’exil
1967
Ci tel qui écrit
prendrait-il à bras-le-corps la page,
dont elle achemine la main
sous la plume
qui trace son secret
jusqu’à la table d’attente
pour m’évoquer auprès des porteurs d’eau
que seraient les mots bivouaquant dans leur durée lointaine
la trêve prenant le vent aux cris de leur meute
gravitation tribale autour d’un cri
où des anges sont mis sur pied
se mourant un peu proclamant
le rétablissement des viscères
1967
écrivant dans l’intimité d’une plume
qui souhaite la rejoindre
un homme s’en va
son pas l’amène
ses épaules échancrent le temps
dans l’ombre qu’il emmène en conscience
cette pendule s’y balance
à portée du pas
qui précipite la route
hors du pas
1967
temps lien dévorant
me sépare d’une longue attente
tu fonds au soleil technique
du temps textuel
que te délègue ce côté du bras
qui s’amenuise t’allonge
le long d’une nuit
que la noirceur épuise,
dont la noirceur l’épuise
1967
traces de prodromes réduites
à l’immanent contour du mot
un enfant tirant les cordes artisanes
de la cérémonie relève d’un passant
sur la feuillée des Tuileries
enseveli sous l’adieu séquestré
du pas frappé dans le silence
1967
l’ère figure ton existence
dans celle qui la trace
d’icelle le plateau
de la balance s’éteint
sur l’aire du fléau
qui abat ton grain
1967
Tribune de mai L’homme perfectible
Appel irruptif déchire le sarcasme :
le poète est une tribune !
Vocifération accueil déchaînement
Le pauvre tombe dans le jour
et s’en frotte les yeux
Son âme s’en essuie
Ravaudage
Les yeux ultériorisés puissent-ils habiter la face !
Je présente l’envers exposé de ma veste
Eventré jusqu’aux endroits périlleux
du poème dont s’édifie le saisissement
dont ne s’évade l’architecture raisonnée
de l’absence matérielle je suis une demeure
creuse vagabonde
Où le corps qui titube
ne laisse d’acheminer sa créature
dont ne défaille l’arête qui l’indique
se jette jusqu’à la tenter
d’aussi loin qu’il réponde
Sujet de chroniques somptuaires
que je confine ravaudé rejoint dans l’indifférence
dont un fil primesautier distend l’unité laineuse
Quelque part une opération est en cours
prélevant par clivage l’hymen qu’il me reste d’être
mai 1968
Le casque mental est sous les verrous
la main qui l’ajuste n’est pas décise
te parodie vêture blanche, otage qu’elle couche,
la plume y séjourne et s’endeuille avant d’y mourir
Un drap est déplié et mis à l’abandon
Il n’est que de céder la gorge
à la croupe d’une femme
que l’absence rapproche
des fleurs cueillies,
dont l’absence rapproche
des fleurs cueillies
juin 1968