Le monde a fini par finir. Vers la fin l’apocalypse avait démarré sans qu’ils s’en aperçussent. Quittant les mondes de la terre et leurs langues, puis le monde et son langage espéré, ils renoncèrent au jugement au bénéfice du « logiciel ».
Révélée, ç’avait été la révélation de la parole à elle-même. A la fin ils effectuèrent « la sortie du langage ».
La traduction était une question de vie ou de mort ! Il eût fallu traduire kalupteïn et apotreptique, lanthanesthaï et alêtheia. Le combat intestin du Lêthé avec Thaumas, du ventre et du renard, fut oublié. Le « self » obnubilait ; sa cataracte éteignit la clairvoyance au dehors.
Même les écolos se leurraient, faisant confiance à « la planète », bolide stellaire indifférent qui poursuivait son orbe éternelle. « Le naturel », génétiquement modifié, s’effaça. Son clonage hypertechno s’y substitua, installant les prothèses en tout point. « Physio » et « organisme » donnaient le change ; tandis que l’homonymie (« la nature », donc) recouvrait de son voile d’ignorance (celui du pareil au même) la mutation implacable.
Le monde qui tenait à la terre et par le terrestre des choses (« nourritures », pour d’anciens auteurs), cessant de mondoyer, émondé, s’immonda, réduit à des « réserves » par le géocide, et finalement à « rien ». L’hominicide (génocidaire et terroriste) et l’assistance à la procréation installèrent le logiciel eugéniste. L’ordinateur fut réglé sur le contraire de l’apocalypse : la nuée atomique.
Ils disparurent sans s’en apercevoir.
Michel Deguy