un Poème pour une visite

Poème choisi de façon aléatoire dans notre fonds à chaque visite de cette page.

Oui, cela a tenu à peu de chose

A Adam Michnick

 

Oui, cela a tenu à peu de chose : j’aurais pu
tout simplement comme les autres lever le bras pour le vote
tout simplement comme les autres le laisser retomber —
pour qu’en même temps le coude lourd
s’enracine dans les tapis verts des tables des præsidiums,
et dans les cuirs couvrant les sièges où l’on s’enfonce
des limousines noires, dans les pupitres
vernis des tribunes, dans la blancheur des nappes
de banquets ;

j’aurais pu lever le bras. Mais non.

Esprit critique trop développé ? Manque de souplesse ?
A franchement parler, un simple moment de doute :
une peur panique à l’idée que peut-être je ne pourrais
plus du tout laisser retomber le bras, que
la main levée sera transpercée par des crochets
de boucherie de ce ciel que nous aimons imaginer
avec une triste ironie comme
un magasin de viandes vide, où parfois seulement
la marchandise apparaît sous la forme
de carcasses d’âmes.