Billet — Considérations tempestives sur Mila

Michel Deguy
par Michel Deguy

Au sujet des propos tenus sur Instagram par la lycéenne

 

1. Lectures indispensables : La maladie de l’Islam, Abdelwahab Meddeb (2005) ; Violence et Islam, Adonis (2015).

 

2. La pensée – non pas « occidentale/européenne/blanche » – tente de comprendre la maladie sénile, terminale, de l’Islamisme. « En même temps » (récent), c’était le temps de l’espoir de « la sortie du religieux » (Marcel Gauchet).

 

3. L’a-théisme est l’avenir. Mais la Religion est indivise à la Société (Emile Durkheim)… laquelle est devenue « sociétale », en réseaux, de « colère », de haine, de complotisme : impossible d’en sortir. La superstition bétonne l’idolâtrie, par exemple « le rêve du Califat ». Le « martyr », terroriste, massacre les « apostats », ou « croisés », c’est-à-dire virtuellement les trois quarts de l’humanité : solution finale vouée à l’échec, puisque la Chine, notre futur, est a-religieuse. Régis Debray tente de calmer le jeu à l’École, en enseignant le savoir des religions. Mila n’a pas « terminé » sa scolarité.

 

4. La religiosité anglo-saxonne américaine (In God we trust, God save a/ the Queen b/ America) refuse et culbute la laïcité française. Laquelle en vient à reconnaître les cultes pour les protéger : le prêtre, le pasteur, le rabbin, l’imam… flanqués du bouddhiste (?) assurent le Président, sur le perron de l’Élysée, de leur vœu de tolérance.

 

5. L’Âge des réseaux tourne la page de « l’ancien monde ». La compatibilité « technique » (Gestell heideggérien) du Calcul (Big Data) et du selfisme, ou régime des selfies, Moi-le-Suprême, abolit l’âge de raison : n’importe qui a la possibilité de tweeter « n’importe quoi », et virtuellement à tous les humains « la réaction de son ressenti » : l’expressivité est libérée. Totalitarisme de l’opinion. Fin de l’universel kantien. La liberté qui fut liberté de penser est devenue liberté de chier. Mila met son doigt d’honneur dans « le trou du cul du Prophète ». Est-ce un blasphème ? Non : une connerie. Mila ! il fallait arrêter votre phrase avant le trou du cul ! Aragon « conchiait l’armée française dans sa totalité » ?… Sans doute, mais c’était  a/ littérature b/ qui affrontait sciemment la législation.

 

6. La liberté de critiquer, intégrale, était liberté de l’esprit (Husserl, Valéry…). L’âge était freudien : le seuil de la pulsion de mort était censurable. La haine psychique, accouchée, exposée dans la cure, traitable, contredite en dialogue clinique, sous instance du surmoi. « Wo Es war, sollte Ich werden ».

 

*

 

La prétention exorbitante de mon opinion – exorbitante non pas du droit commun mais du devoir commun de l’ancien Bon Sens, ou jugement, ou civilité des humains – est maintenant exorbitante de la paix civique.

Dit autrement : la symétrisation de l’exécration, menace d’inhumanisation, achève l’avènement de la société de contrôle, de la camisole de force de l’identitaire au faciès, ruée dans la servitude.

Non, chère Mila, il importe de modérer la haine par la non-symétrisation, et de ne pas installer le « croyant » dans sa voiture piégée.

 

Michel Deguy