Billet — Du blasphème

Michel Deguy
par Michel Deguy

« Blasphêmia ». Ce sont paroles mauvaises, profanes, impies « eis Théous » ; médisance ou calomnie, de mauvais augure. Les dieux sont nombreux, et la cité bruit de blasphèmes.

Mais aujourd’hui dans nos parages, ce mot grec « savant » sonne comme un monstre aux oreilles illettrées ; fait peur. On le tient pour un attentat contre le Dieu.

Il convient donc d’en diminuer l’effet ; de le familiariser aux ouïes superstitieuses des anti-laïcs, des anti-peuples (« Laious »), et principalement aux pratiquants de la dernière religion, inventée par les Bédouins il y a treize siècles.

Donc de lui trouver un synonyme apaisant, en le reliant à son antonyme : l’euphémiser.

Et si on se rappelle l’expression de Sophocle, « Euphêma phôneï », de lui faire dire par la négative « Blasphêma mê phôneî ! » ; ou même, je crois, éviter le mot, dont l’écho trouble l’ordre – même si la liberté de parler requiert l’a-théisme civil comme condition de possibilité de la paix laïque.

Il y a trois mille dieux, disait Charlie.

L’athée ne menace pas la croyance ; il veut que tu ne le tues pas.

Les insignes de la croyance de l’un ne doivent pas défier l’autre : une petite croix ; l’auréole d’une kippa en tonsure délicate ; un voile transparent sur la nuque et les oreilles…

Quant aux ultra-orthodoxes, comment les laisser vivre en Amish souriants, sans la 5G ?

 

Michel Deguy