Hommage — Lettre à Barack Obama

Le Comité de rédaction
par Le Comité de rédaction

A propos du Prix Nobel de la Paix qui lui a été attribué.

Monsieur le Président, cher Barack Obama,

Nous croyons qu’il n’est pas ridicule de vous adresser nos félicitations pour le prix Nobel de la paix, en raison de ces deux pensées : en tout pays, tout citoyen qui se tient en même temps pour citoyen du monde, se sent honoré par cette décision de l’Académie suédoise de vous honorer ; et se le doit d’autant plus opportunément que beaucoup de voix se font entendre pour exprimer des « réserves » — voire de l’hostilité — que nous jugeons inaptes et ineptes.

 

La surprise fut considérable et joyeuse. Votre discours est de paix ; son appel véridique à un monde dénucléarisé est, dans la bouche d’un Président des Etats-Unis, original et puissant comme la puissance dont elle est la parole. « Performatif » par votre rôle même, l’appel compte comme le début d’une action décisive : il ne s’agit pas du tout, nous l’avons entendu, des « bonnes intentions » d’un pacifiste parmi d’autres. Il invite les politiques et tous les hommes à entrer, avant qu’il ne soit vraiment trop tard, dans l’âge de raison.

 

Et comme une des belles inventions de votre pensée et de votre pratique politiques, parmi celles qui ont rendu possible votre entrée sur la scène mondiale, a pris la forme et le nom de « démocratie participative », nous croyons qu’il est non seulement normal mais important, par fidélité à cette action innovante, de manifester notre reconnaissance de citoyens dans ce nouvel espace public. Précisément, vous avez modifié la disjonction du privé et du public grâce à la technologie. Si l’obstacle à la démocratie, apparemment insurmontable, tenait (et tient encore) à la différence d’ordre et d’échelle entre l’individuel et le grégaire, il est en passe d’être surmonté, puisque l’adresse personnelle à des millions d’humains un par un peut susciter une opinion politique plurielle, distincte de « mon » opinion isolée et de l’opinion de masse, une sorte d’unanimité intelligente qui ne soit ni subjective-privée ni résultante de sondages des moyennes : c’est comme si une nouvelle édification démocratique du « peuple » participant pouvait être proposée et commençait à consister.

Nous vous remercions, avec un grand respect.

 

Michel Deguy, Richard Rand, Martin Rueff,

Denis Guénoun et toute la revue Po&sie