Quand on parlait tout seul, on parlait à la lune
Je la disais fardée comme une Japonaise
Ou lune de Beaubourg aussi pleine que vierge
La lune c’était les fesses pour les enfants
Et pour Leopardi la muette sur la plaine déserte
La lune de Pierrot la lune de Schönberg la lunatique
Isis Séléné Artémis ou Diane
Ils l’ont mise à trois cent trente mille quatre cents kilomètres
Parfois la nuit nous piétinons sur le tapis sa cendrée obsolète
Sans aller plus la voir à la fenêtre
La honte me saisit
Galaktos leukotera l’aimée de Sappho
La vierge la vivace et la belle emphatique
Plus blanche que la blancheur, éclipsant le soleil
La peinture ne pouvait la faire voir en peinture
Aucun Malevitch ne la montrait
Et seule la photo a pu l’imaginer
La croissante, la paupière du dieu, l’ongle de Mahomet
L’écarquillement de la nuit borgne
Nombril de l’univers éparpillé
Faux de la mort éternelle
Memento
Michel Deguy