Billet — Nouvelle lune

Michel Deguy
par Michel Deguy

Pour l’An, cette fois en poème…

Quand on parlait tout seul, on parlait à la lune

Je la disais fardée comme une Japonaise

Ou lune de Beaubourg aussi pleine que vierge

La lune c’était les fesses pour les enfants

Et pour Leopardi la muette sur la plaine déserte

La lune de Pierrot la lune de Schönberg     la lunatique

 

Isis  Séléné  Artémis  ou Diane

Ils l’ont mise à trois cent trente mille quatre cents kilomètres

Parfois la nuit nous piétinons sur le tapis sa cendrée obsolète

Sans aller plus la voir à la fenêtre

La honte me saisit

 

Galaktos leukotera  l’aimée de Sappho

La vierge la vivace et la belle emphatique

Plus blanche que la blancheur, éclipsant le soleil

La peinture ne pouvait la faire voir en peinture

Aucun Malevitch ne la montrait

Et seule la photo a pu l’imaginer

 

La croissante, la paupière du dieu, l’ongle de Mahomet

L’écarquillement de la nuit borgne

Nombril de l’univers éparpillé

Faux de la mort éternelle

 

 

Memento

 

 Michel Deguy