Billet — Pour Greta

Michel Deguy
par Michel Deguy

Saluons dignement Thunberg et sa lignée.

Que se passe-t-il ?

Nous savons ce qui se passe : l’humanité se détruit.

Une jeune fille panaltruiste, que les écrans et quelques gloires médiatiques présentent comme « autiste », vient avec une gravité saisissante avertir l’Organisation des Nations désunies de l’imminence de notre fin de ce monde qui est de moins en moins le nôtre. Cependant que le care mondialisé et ses coaches vaquent à leurs placebos. « Après nous le déluge ! », vocifèrent de leur côté les réseaux connectés de la haine, les communautés superstitieuses, les conducteurs de peuples.

 

Greta ne « communique » pas. Son ubiquité responsable de la génération amie frappe les trois coups de la dernière représentation. La longue lignée des hommes[1] du monde, de celui de la cour à celui des Anciens-et-Modernes, de l’honnête homme à l’encyclopédiste lumineux, du citoyen incorruptible à l’intellectuel, à l’instituteur, au globe-trotteur et au grand reporter (Anders, Arendt, Benjamin, Keyserling, Londres, Maillart, Mann, Zweig… mille autres noms prennent la file ici) s’est éteinte. Et plus récemment aussi les christophores, l’Abbé ou Coluche, fils adoptifs non de l’empathie mais du sauvons-nos-âmes, sont submergés : les ONG comptent les morts.

Ne regardez pas les écrans ; ni les visualisations de vos selfies immortelles ; mais par les yeux de clairvoyance qui entourent Greta (Grata). Fermez le streaming du Fake, le rêve puéril et mortifère de la Publicité, mère de la non-vérité « magique » et asservissante. Les volcans artificiers de Noël entrent en éruption, de Times Square à Tien An Men ; mais du ciel déchiqueté retombent sur le XXIe les lambeaux de la chair des langues, des œuvres.

Les grands despotes aveugles élus des démocratures, Modi, Trump, Erdogan, Xi, Bolsanaro, Poutine, Rohani, les califes Saoud, Netanyahou (j’en omets vingt, d’Amérique hispanophone ou d’Asie centrale), leur nuisance illimitée avorte l’écologie. La Recherche fatale (selon le mot de Primo Levi) a préempté la Richesse : extraterrestres et extramortels ont déjà quitté la Terre, qu’ils appellent « Planète ».

 

Qu’est-ce qui reste, demandait le Maître de la Mort zum Tode en Allemagne ? Il restait l’Être – l’Estre. Ne vous en faites pas ! Il ne s’agissait pas de l’homme, mais du Da-sein. Attendons… Car la « Fervescence » (dernier nom de l’Estre en traduction française) fermente le Nouveau Commencement, Ereignis, après la Dévastation.

 

Mais nous ne devons plus attendre.

Michel Deguy

 


 

[1] « Homme » est ici épicène. Les humains sont femmes et hommes.