Adieu — À Robert Davreu

Michel Deguy
par Michel Deguy

Un hommage à Robert Davreu, mort le 25 novembre 2013

Robert Davreu est mort le 25 novembre. Poète essentiel et secret, traducteur de Sophocle, de Keats et récemment de l’épopée crétoise de l’« Erotocritos », enseignant à l’Université de Paris 8, et passeur de poésie, aussi rigoureux que doux, aux écoliers, Robert fut dès sa fondation en 1977 membre de la revue Po&sie. Nous perdons, et je perds, moi qui fus son professeur de philo au lycée ! un ami très rare.
Il arriva que je lui parlai au téléphone pour la dernière fois sans le savoir ce lundi soir. Dans les jours qui suivirent commença de s’écrire ce poème, qui énigmatiquement mais certainement pense à lui. C’est pourquoi je le pose sur le site de ce qui fut sa revue.

Dies irae

Dans peu de temps
Nous serons morts depuis des siècles
Comme Lucrèce et Augustin

La mort coule comme la Bérézina
Changeant les corps en tombes givrées
— batailles pétrifiées, grands cimetières sur les villes

Si nous mourions ensemble
L’injustice serait moins criante
Le monde enfin ferait la fête

La langue dit « émettre » une « hypothèse »…
Même André Gorz imagina
Un vivre à deux outre cadavres

Robert et le Pieux sont réunis
Par les syntagmes de l’Histoire

Protase et apodose    les distiques
Sont les battants du glas

 

Michel Deguy – 28 novembre 2013