Robert Davreu est mort le 25 novembre. Poète essentiel et secret, traducteur de Sophocle, de Keats et récemment de l’épopée crétoise de l’« Erotocritos », enseignant à l’Université de Paris 8, et passeur de poésie, aussi rigoureux que doux, aux écoliers, Robert fut dès sa fondation en 1977 membre de la revue Po&sie. Nous perdons, et je perds, moi qui fus son professeur de philo au lycée ! un ami très rare.
Il arriva que je lui parlai au téléphone pour la dernière fois sans le savoir ce lundi soir. Dans les jours qui suivirent commença de s’écrire ce poème, qui énigmatiquement mais certainement pense à lui. C’est pourquoi je le pose sur le site de ce qui fut sa revue.
Dies irae
Dans peu de temps
Nous serons morts depuis des siècles
Comme Lucrèce et Augustin
La mort coule comme la Bérézina
Changeant les corps en tombes givrées
— batailles pétrifiées, grands cimetières sur les villes
Si nous mourions ensemble
L’injustice serait moins criante
Le monde enfin ferait la fête
La langue dit « émettre » une « hypothèse »…
Même André Gorz imagina
Un vivre à deux outre cadavres
Robert et le Pieux sont réunis
Par les syntagmes de l’Histoire
Protase et apodose les distiques
Sont les battants du glas
Michel Deguy – 28 novembre 2013