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Index des auteurs et traducteurs publiés dans la revue

N°1 - 1977 Charles RacinePoèmes

Poèmes

Soleils frais blanchissent
ce regard que baigne la rivière
qu’ils mettent en montagne
absence qu’elle met dans la neige
pour recevoir la jeune fille
quiétude qu’investit l’hiver
couve le corps qui cerne l’être
désinvolture que parcourent les cernes
de l’arbre qu’ils n’aient ramené l’étendue
désolation tracée dans la terre
ne leur vienne choyée
qu’ils ne laissent tomber l’hiver
sur une branche ramassé

 

1967

 


 

 

Orphée entend les cordes de sa lyre

en dormant le tocsin sous la maille d’acier

s’évertue en brèche du cyclope
je ne dors pas en moi et parler
sont abîmés dans ces eaux
mises en carène fixent mon attention

 

geindre lyre sculptée
de verdure de rage gangrené
ronger le fantôme en commettre l’usure

 

1942

 


 

 

 

Balanche
contre tous venants

vous savez dire

la chance

qu’en retour

de mort
l’œil sonore l’œil ultime

nous voie venir

les mains vides

Balanche

 

Voyez
ils sont le flot
de ces eaux
dès lors
morts vendus
à d’autres vassaux

 

Mon fil que je ne lâche

Aussi je m’y trouve suspendu

Mais parfois ce fil
si lâche que je jonche à demi

comme un pendu

mes maux de vie

Balanche

 

1956

 


 

 

 

Il est tombé de vie de mort blanches

N’allez plus avant

Il est tombé l’enfant

à l’aube du fil de l’eau

 

Cinglez de chair vive
le Dieu et baguette douce

 

Public passez ! Jetez
la violette au fil de l’eau
Paradoxe exécuteur des Hautes œuvres

l’enfant est exécuté sur les bois du berceau

 

Jetez la violette Un temps

Les scellés du fil de l’eau

Le rideau d’eau

 

L’enfant dans un coin apprécie le café

Il a mangé le crieur de journaux

 

La main rugit plutôt de vie

qu’elle ne fâche et contredit

l’exercice matinal

 

1956

 


 

 

 

Une plage
aux couleurs inusitées

se traîne le soir

tel un chat

jusqu’au seuil

de la femme

de la mère

 

Elle erre
dans la zone
tel un chat d’habitude
qui rêve (de) pleurer son image
jamais retrouvée

 

Voyez en face
La mort habite là
Sur le seuil de la vie

 

1957

 


 

 

 

Une ligne obscure
traverse la nuit et se reconnaît Une âme

souriante compagne à tire-d’aile s’élève

vers le large prospecte vers le corps

Une âme au levain de sabbat

s’affaisse sur le corps
Une horloge prend son essor
court après une aiguille qu’elle ne rejoint

Une horloge maussade
Les âmes trépassées s’inspirent de la statuaire

Paysage à même mes campagnes

La mort nénuphars frustrés du viol Barabbas

Quel règne en ces lieux pour servir rente

la monnaie du silence

 

1958 /1963

 


 

 

 

Mer salvatrice de ce baiser boudé sur ces lèvres Mais jamais je ne pourrai prendre ces lèvres II m’appartiendrait de me tenir bien tranquille de faire le mort et de me nourrir d’une toile que l’araignée diffuserait sur ces lèvres qu’elle coifferait Mais c’est devenu méchant C’est la pieuvre qui referme les portes sur nous avenir derrière nous avenir Le jeu est immense automatisé ouvertures fermetures ô lieudit tous les maux sont venus l’un contre l’autre je deviens dans les limites du présent ce qui m’est donné au présent je cherche une vie dans le mouvement de cette nature Je suis tels mes frères et mes frères se meurent Frappe Le gong frappe l’homme qu’ajoute la littérature

 

1963

 


 

 

 

Rien n’y fait

Enfouissement du coeur

 

Sous les regards anoblis
le grand mythique haie
la large chaîne de fleurs
au ciel qu’il tire à vous
coeur enfoui ô cerveau
ô demeure enfouis
au pied d’une chandelle pâle

 

Il y a toujours un enfant qui guette

à l’ombre des faux loisirs

 

Je couche au loin dans les feux

d’un attelage surpris dans une grimace

qui poursuit son chemin et empierre

les complaisantes ensanglanteries du ciel

 

1963

 


 

 

 

Aucun geste n’échappe
aux cordes qui accompagnent la main

aucun mouvement des doigts

n’échappe à ces cordes

 

1963

 


 

 

 

Lumière de plein fouet la nuit
je sors du jour
j’ouvre une avenue parc et lac
je quête pour fidèles compagnes
d’une mort qu’elles assistent et dont les yeux

se répandent curieusement dans la ville

je porte la quête (jusqu’)au bout de la jetée

je suis le rat du cygne qui en prend le regard

qu’il plonge dans l’eau sobre

 

1963

 


 

 

 

Pas d’hébergement du regard
dont les propos battus
sous la main panoptique
firent le bavoir de l’hiver,
qui s’éternise devant le bois noir d’une porte
le regard a son bavoir
le bois noir d’une porte est dans le texte
mais le texte s’éternise
devant le bois noir d’une porte

 

1963

 


 

 

 

Poésie tu donnes lieu à la rescision
Tu l’accomplis cet acte
Que ne me reste-t-il quelque mie sur la page
Poésie tu es pulpe jusqu’à même les contours de ton corps
Présence tranchante d’avoisinage
du corps médiatif qu’elle assume d’ailleurs incorpore
Que ne me reste-t-il quelque mie sur la page
sinon que rapatriant qui ne vient dans mes poches
le crayon se déploie dans l’hypnose sèche
moi au bas de ses moyens du bas de ses moyens
regardant vers le stylite
Je ne suis que cette girouette
qui parfois déploie un bras qui l’attrape
à la nuque qui ne laisse rien

 

1964

 


 

 

 

dans une vigoureuse, expansive dépossession

de l’espace, abolissant le message,

je ne sais jamais d’où partir

Se servir de ces véhicules facultatifs

dont la vocation rend matérielle la liaison

dans une vigoureuse, expansive dépossession

de l’espace, abolissant le message

qui suit sa courbe d’abolition

vigoureusement expansive

 

1964

 


 

 

 

Où, insipide de tout commencement de toute fin se tient la lettre et la rappelant à l’ordre avant qu’elle ne s’engage la phrase La lettre est une tête aux articulations mobiles une tête articulée qui profère et veut aller de l’avant une tête qui se cherche et se trouve allant, se trouve en course qu’elle revêt de termes, de signaux toujours changeants Ciel étonné qu’aussitôt la lettre hospitalise sur une portée de l’extase

 

1964

 


 

 

 

La colonne répand le silence                    premier tableau

où des hommes agenouillés

quoiqu’ils marchent

figurent une existence

sur une marche confondue

 

tentative que transfigure                          deuxième tableau

l’échec toujours ajourné

 

1964

 


 

 

 

l’exil ne figure dans le texte l’exil

est dans le texte mais n’y figure

l’exil n’est figuré dans le texte

le texte ne figure l’exil

 

1967

 


 

 

 

Ci tel qui écrit
prendrait-il à bras-le-corps la page,
dont elle achemine la main
sous la plume
qui trace son secret
jusqu’à la table d’attente
pour m’évoquer auprès des porteurs d’eau
que seraient les mots bivouaquant dans leur durée lointaine

la trêve prenant le vent aux cris de leur meute

gravitation tribale autour d’un cri
où des anges sont mis sur pied
se mourant un peu proclamant
le rétablissement des viscères

 

1967

 


 

 

 

écrivant dans l’intimité d’une plume

qui souhaite la rejoindre

un homme s’en va

son pas l’amène
ses épaules échancrent le temps
dans l’ombre qu’il emmène en conscience
cette pendule s’y balance
à portée du pas
qui précipite la route
hors du pas

 

1967

 


 

 

 

temps lien dévorant
me sépare d’une longue attente
tu fonds au soleil technique
du temps textuel
que te délègue ce côté du bras
qui s’amenuise t’allonge
le long d’une nuit
que la noirceur épuise,

 

dont la noirceur l’épuise

 

1967

 


 

 

 

traces de prodromes réduites

à l’immanent contour du mot

un enfant tirant les cordes artisanes

de la cérémonie relève d’un passant

sur la feuillée des Tuileries

enseveli sous l’adieu séquestré

du pas frappé dans le silence

 

1967

 


 

 

 

l’ère figure ton existence

dans celle qui la trace

d’icelle le plateau

de la balance s’éteint

sur l’aire du fléau

qui abat ton grain

 

1967

 


 

 

 

Tribune de mai L’homme perfectible

Appel irruptif déchire le sarcasme :

le poète est une tribune !
Vocifération accueil déchaînement

 

Le pauvre tombe dans le jour

et s’en frotte les yeux

Son âme s’en essuie

 

Ravaudage

 

Les yeux ultériorisés puissent-ils habiter la face !
Je présente l’envers exposé de ma veste

Eventré jusqu’aux endroits périlleux

du poème dont s’édifie le saisissement

dont ne s’évade l’architecture raisonnée

de l’absence matérielle je suis une demeure

creuse vagabonde

 

Où le corps qui titube
ne laisse d’acheminer sa créature
dont ne défaille l’arête qui l’indique
se jette jusqu’à la tenter
d’aussi loin qu’il réponde

 

Sujet de chroniques somptuaires
que je confine ravaudé rejoint dans l’indifférence

dont un fil primesautier distend l’unité laineuse

 

Quelque part une opération est en cours
prélevant par clivage l’hymen qu’il me reste d’être

 

mai 1968

 

 


 

 

 

Le casque mental est sous les verrous
la main qui l’ajuste n’est pas décise
te parodie vêture blanche, otage qu’elle couche,

la plume y séjourne et s’endeuille avant d’y mourir

 

Un drap est déplié et mis à l’abandon

 

Il n’est que de céder la gorge
à la croupe d’une femme
que l’absence rapproche
des fleurs cueillies,

 

dont l’absence rapproche
des fleurs cueillies

 

juin 1968