un Poème pour une visite

Poème choisi de façon aléatoire dans notre fonds à chaque visite de cette page.

Une langue greffée

(Muette
décapitée sanguinolente
la tête s’étrangle pour
parler une autre langue : —

 

comme
un rêve longtemps contenu,
une sorte de bégayante et para-
siteuse ordalie sur moi)

 

En Irlande
Un enfant pleure à l’école
répétant son « anglais ».
A chaque faute

 

Le maître
enfonce une autre marque
sur le carcan suspendu
autour de ce cou

 

Comme une cloche
à une vache, une entrave
au bouc vaguant.
Confondre et trébucher

 

Honte,
les syllabes altérées
de ton propre nom :
rentrer vague et triste à la maison

 

pour trouver
l’accueil entretenu de tourbe
l’âtre des parents :
lente maturation d’étrangeté

 

Dans la hutte
et les champs, toujours
ils parlent la vieille langue.
On ne salue personne

 

Faire pousser
une deuxième langue, quelle
brutale humiliation
comme d’être accouché une deuxième fois

 

Des années plus tard
Voici que du fils du petit-fils
la parole trébuche sur des syllabes
perdues d’un ancien règne.