Cette rubrique — work in progress — accueille des poèmes de tous les pays,
en langue française ou dans des traductions encore inédites.

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Index alphabétique des contributeurs publiés dans cette anthologie

SonnetsAuteur Mihály Babits
Traduction et présentationGuillaume Métayer

Sonnets

Zrínyi à Venise [1]

Sur la noble Saint-Marc, que, pensif, je foulais,

Voici bien longtemps qu’un autre Hongrois chagrin,

Poète plus que moi, et héros comme aucun,

Colossal, piétinait, sachant ce qu’il voulait !

 

Sachant ce qu’il voulait, mais pas que ce monde est

Inépuisable en mal, ni qu’il voudrait demain

Revenir, depuis le pays, berceau et fin,

Où, à tout prix, vivre et mourir il lui fallait.

 

L’ignorant, il songeait au pays esseulé,

bottes tonnant contre le marbre, l’âme en colère

de voir sur les vieux arcs tant de marques de guerre.

 

La nue du soir vint couvrir lagune et marché,

les anges s’apprêtaient là-haut au corps-à-corps

pour lequel Alderán[2] ressuscita les morts.

 

 

Zrinyi velencében

Szent Márk dicső terén, melyet mélán tapostam,
valaha régesrég egy másik bús magyar,
méltóbb költő mint én, és hős mint senki mostan,
tiport hatalmasan, ki tudta mit akar!

 

Ki tudta mit akar s nem tudta, hogy a roszban
fogyhatlan a világ s nem tudta, hogy hamar
ide vágy vissza a földről hol bármi sorsban
élni és halni kell; mely ápol s eltakar.

 

Ezt mind nem tudta még s árva honára gondolt
s döngött csizmája a márványon s lelke tombolt,
látván sok harci jelt ős ívek oldalán.

 

Alkonyfelhő borult lagúnára, piarcra,
felhőn az angyalok készültek már a harcra,
melyre a holtakat felkölté Alderán.

 

 


 

With this same key

Shakspeare unlocked his heart.

Wordsworth

 

Did Shakspeare? The less

Shakspere he.

Browning

Sonnets

Froids sonnets que ceux-là. Ce n’est que pure adresse,

impassibilité, virtuosité pure.

Bien qu’aujourd’hui le travail n’ait nulle noblesse,

ce n’est là que travail, et simple ciselure.

 

Si poète est celui qui trafique sa fièvre,

Me voici nu, prostitué, mais constatez :

Ce n’est point poésie, mais un métier d’orfèvre,

Ni du théâtre, ni de la sincérité.

 

Chaque sonnet est un autel en miniature,

Qui aux verbes sanglants se plaît, au débraillé,

De mes vers plus avant ne pousse la lecture.

 

Toi qui de tant de cœurs autrefois fus la clef,

Sonnet, clef d’or, verrouille mon cœur fermement

Que seul sache l’ouvrir celui qui m’est parent.

 

 

Szonettek

Ezek hideg szonettek. Mind ügyesség
és szenvtelen, csak virtuózitás.
Bár munkában manapság nincs nemesség
ez csupa munka, csupa faragás.

 

Ha költő, ki lázát árulja: tessék!
itt állok cédán, levetkőzve! láss!
ez nem költészet; de aranymüvesség!
s bár nem őszinte, nem komédiás.

 

Minden szonett egy miniatür oltár
Ki vérigéket, pongyolán szeret,
az versemet ezentul ne olvassa.

 

Ki hajdan annyi szívek kulcsa voltál,
Szonett, aranykulcs, zárd el szívemet,
erősen, hogy csak rokonom nyithassa.

 

 


 

Poète, romancier, essayiste et traducteur, notamment de Baudelaire et de Dante, Mihály Babits fut l’un des membres phare de la revue moderniste Nyugat (Ouest). Il est l’auteur de plusieurs recueils de poèmes, de nombreux romans, dont certains ont été traduits en français (Calife-cigogne, Le fils de Virgil Timar), d’un grand poème biblique et philosophique, Le Livre de Jonas (voir Nicolas Abraham, Jonas et le cas Jonas : essai de psychanalyse littéraire, Flammarion, 1999) et d’une histoire de la littérature européenne. Babits s’est illustré, entre autres, dans le genre du sonnet, dont voilà deux exemples.

Guillaume Métayer

 


 

[1] Il y a deux Miklós Zrínyi, le héros de la bataille de Szigetvár (1508-1566), où mourut Soliman le magnifique en 1566, et son arrière petit-fils (1620–1664), également homme de guerre mais aussi poète, qui a brossé le récit de cette fameuse bataille dans son grand poème épique La Zrinyade ou Le Péril de Sziget, épopée baroque du XVIIe siècle (Presses universitaires du Septentrion, 2015. Introduction, traduction et notes de Jean-Louis Vallin).  Les Zrínyi, d’origine croate, étaient liés à la ville de Venise où ils avaient des droits civiques.

 

[2] Sorcier ottoman qui dans La Zrinyiade tente de convoquer les démons contre les Hongrois.