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Jean-Pierre Moussaron Motif en tons mêlés

Motif en tons mêlés

                                        1

 

Ce froid aux lèvres
qui remonte de tacites acoquinements
où le poser ?

 

Ces mains pointées d’en-bas
vers quoi les détourner ?

 

Ce filet de prunelles éparses
comment le démailler ?

 

Nul ne peut obnubiler tel peuplement d’images
et les lambris d’émoi
plaqués en un palais
que l’on n’a su ruiner.

 

Reste à calciner le tout, mot à mot,
sur la page — phénix contre sphinge.

 


                                        2
                           PERFORMATIF

 

Reclus dans le réseau
de quelques mots
sol mains sang jour
sans trouver phrase
qui m’en délie
j’écris ici
comme une roue
sol de sang
mains de jour
sang de jour
sol de mains
pour empêcher
que ces mots mêmes
ne se fichent en moi
morceaux perdus
d’une langue cassée.

 


                                        3

 

Gisant là couchés
mains à mains tenus
allongés dirait-on vers l’aval du temps
lisses
heureux peut-être

 

le silence a pénétré leur tête remontant l’embouchure
de paroles qu’ils furent comme ces sanglots figés
que tresse la ramure noire d’arbres implantés dans l’hiver
plus froids que ces oiseaux plus noirs qui s’y reposent transis
alors qu’un soleil gris délave l’orée de mémoire d’où ils
     s’effacent

 

gisant là-couchés
mains à mains tenus
allongés dirait-on vers l’aval du temps
lisses
heureux peut-être
de ce que le silence ait pénétré leur tête.

 


                                        4

 

La « couleur de couteau sale »
que prend le jour naissant à la pointe du souvenir :
boule d’oiseau éplumée par la balle de plomb,
l’enfant muet à l’aguet d’une porte,
larmes sur lice de neige.

 

Radeaux d’enfance
ressacs
suint d’inaccompli,
ta nuque ployée s’interpose.

 

Ton rythme hachure en moi le doute d’avoir jamais vécu.
J’apprends à m’accorder
avec le dire juste
où s’entend que possible est la mort.

 


                                        5

 

Ciel limpide que reperce de bleu
l’alignement d’yeux peints
d’effigies immobiles.

 

Le regard oblique vers la mer.
A l’horizon du retour voici le nouveau,
et le mordant du soleil l’évide.

 

Sur les traces moites d’une fuite de serpents
ici finit la « tribulation masquée ».

 

Pour fonder l’été de notre force
occuper ce midi.

 


                                        6
                                POURPRE

 

En battements comptés
fouaillant le bruit convenu
tu entames le rechant de tout le dit amuï
qu’allait cognant tant de désir
foulé à peine ourdi.

 

De longs flux drus tu scanderas
nos rires dénouant les engorgements d’angoisse

 


                                        7

 

Automne écaillé par la rumeur du monde en mue
Palombes s’imprimant sur nuages frileux
Intrigues de buissons à travers le frimas
Sable où le soleil des pins émiette notre empreinte
Faufil suranné de roses trémières selon la rue du port
Nappes de lacs volcaniques pour oublier ses rides.

 

Éclats de circonstances,
votre échelonnement concret
me soutient
en ce passage étroit.

 


                                        8

 

Ce ne fut pas comme
si tu étais en allée pâlie,
dans le miroir de cette eau débordée
minant entre les lignes d’arbres
la charpente du ciel sur le soir de nos têtes,
mais comme si, par-dessus tant de jours incolores,
je revenais là où je n’ai pas eu lieu,
dans l’instant
mémorable et toujours à venir,
où s’équilibrent et peut-être s’échangent
les pouvoirs de la nuit dont tout sommeil éloigne
et ceux de la clarté que tout regard ignore.

 


                                        9

 

Fin du jour
la terre blonde
instruit ses vignes à nos pas.